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Article de Jean Boudaud

Lors du déplacement de la délégation de Savigny pour le jumelage en 1994, plusieurs personnes ont eu l’occasion de rencontrer un français, Charles MATON originaire du nord et qui fut fait citoyen d’honneur de BERCHING. Jean BOUDAUD se souvient très bien de l’échange qu’il a eu avec lui et de son témoignage. Quelques semaines plus tard Charles MATON écrivait au maire de Savigny.

Voici le texte de ce courrier :

le 5 Juillet 1994,

Monsieur le maire de Savigny,

Début Juin j’ai reçu des extraits de presse du Neumarker Tagblat et Donau Kurier. J’ai ainsi appris que Berching et Savigny sont maintenant jumelées. Cet évènement me réjouit pleinement étant moi-même citoyen d’honneur de Berching depuis le 11-9-1990. Qu’il me soit permis de féliciter tous ceux qui œuvrèrent, parmi lesquels vous êtes. Vous avez concrétisé un rêve que les prisonniers de guerre français de ce coin et la population souhaitaient.

Pour vous informer :

Prisonnier le 24-6-40 en Alsace, dirigé vers Nürnberg, étant gradé, j’aurais pu rester et attendre… J’ai préférer partir en « culture » (agriculture) ou usine avec « mes hommes » - un troupeau a besoin d’un berger- Affecté au K de Berching, j’ai toujours porté mes galons, ce qui me valu la considération du Lieutenant du  Kontrolbezirk (Berzirk= canton). J’ai fait 4 année d’allemand (=7 années d’anglais+ bac math 1931) au lycée de Tourcoing ce qui était un énorme avantage.

p.s : Pendant les 5 années de captivité Roger DELACROIX fut mon voisin

1° Etape : Vers la compréhension : Immédiatement les ouvriers de l’usine où j’étais, la population de la ville (commerçants où j’allais avec une sentinelle) nous considèrent comme des hommes et non des ennemis. J’étais toujours « Herr Lehrer », Monsieur l’instituteur. Nous logions à l’école, près du couvent et la supérieure disait qu’elles étaient protégées.

Nous avons quitté BERCHING en mai 1945, y laissant un prestige par notre conduite (il n’y avait plus de sentinelle depuis juillet 1943.

2° étape : Vers la réconciliation : Ayant été homme de confiance et interprète de la Cie (compagnie ?) de Neumarkt pendant 11 semaines du 1° janvier au 11 mars 1943 (puis révoqué par le capitaine pour insoumission), usant de la convention de Genève, j’ai contrôlé les conditions de travail des prisonniers de guerre à PARSBERG, HEMAU, RIEDENBURG, BEILENGRIES, NEUMARKT, accompagné du R.P. PEYRONNET aumônier, qui célébrait une m………..

En mars 1946, répondant aux vœux exprimés dans plus de 100 lettres et rester en contact, j’ai fondé l’amicale de la compagnie de Neumarkt: 500 adhérents sur 700 adresses retrouvées.

En 1949 Herr doktor SCHAUWECKER chirurgien dentiste de Berching m’écrivit : « Je souhaite un geste de réconciliation entre nos deux nations. Au nom de la Croix Rouge Bavaroise, invite les anciens prisonniers de l’amicale de Neumarkt à revenir sur les lieux de leur captivité avec leurs familles, pour que celles-ci, connaissent la population où ils vécurent ». « Venez en Aout 1950 pour les fêtes du millénaire de Parsberg ». J’acceptai. Les conditions furent : Nous payons seulement le train A-R Paris – Neumarkt. Le gouvernement bavarois à voté un crédit de 1 million de DM, le reste (autocars, hébergement, etc..), par les municipalités et nombreux bénévoles francophiles. Voyage triomphal, que je résume 55 P.G et 35 épouses +10 jeunes de 15 à 19 ans = 100 personnes

-   Samedi 26-8-1950 le matin à 8 heures : Marseillaise, presse et radio … (passa sur Luxembourg et München)

-   Dimanche 27 Parsberg : livre d’or, fête folklorique

-   Lundi 28

  • Regensburg : Réception au Reich…al (ex-gouvernement)
  • Walhalla (à 10 km), Panthéon, dominant la Danube, signature du livre d’or
  • München : reçus par le vice-président le doktor Josef MULLER, également ministre de la justice

-   Les 29-30 libres pour les visites personnelles réparties en 5 centres les plus proches du lieu où chacun était

-   31 Août Rendez vous à Neumarkt : 150 personnes sur le quai, chœur, discours

Chaque jour la presse nous consacrait une page. Dans chaque ville mon discours était le même, nous sommes venus pour Freundschaft – Amitié, Fried- Paix,  Freiheit – Liberté

Ce fut bien l’étape de la réconciliation

3° étape : Le jumelage

J’ai 83 ans, c’est la moyenne d’âge des prisonniers de guerre. Sans que nous nous connaissions, Monsieur le Maire, « Vous avez repris le flambeau, Savigny jumelé avec Berching, Merci, Bravo, Félicitations »

Vous avez trouvé cette ville moyenâgeuse intacte. NÜRNBERG, NEUMARKT rasées par les chars, ayant résisté. BERCHING aurait eu le même sort si…… (voir mon compte rendu plus loin).

C’est seulement en juillet 1989 que j’ai rédigé ce document, conforme à mon livre de bord.

Mon ami député- Herr Landrat Hans PRÖLL fut en 1989, mon fondé de pouvoir pour contacter Monsieur le maire que je ne connaissais pas

La suite se lit sur les documents joints (articles de presse)

Veuillez excuser monsieur le maire cette conclusion rapide

Salutations distinguées à vous-même et votre conseil

Signé C. Maton

ET…… LE MARDI 24 AVRIL 1945 BERCHING NE FUT PAS BOMBARDEE

Après la chute de NÜRNBERG début avril 1945 les chars américains voulaient atteindre rapidement le DONAU (Danube). Ils partirent dans deux directions : à l‘est vers REGENSBURD (Ratisbonne) et l’autre colonne au sud vers INGOLSTADT-MUNCHEN (Munich).

Lorsqu’une ville résistait, les américains la bombardaient intensément aussitôt : NÜNBERG. Les chars rasèrent NEUMARKT.

-        Le 23 avril 1945 les troupes allemandes (S.S.) se repliant de BURGGRIESBACH décidaient de s’enfermer dans BERCHING, cité de 3000 habitants, entourée de remparts, dans laquelle j’avais vécu 5 années avec 75 français prisonniers de guerre. Nous logions dans l’école près du couvent. Etant le chef je décidais que nous sortirions pour coucher dans les bois. Au cours de la nuit (sans que nous le sachions), les allemands se retirèrent vers PAULUSHOFEN (15 km)

-        Le 24 avril 1945, matin, je constatais que BERCHING était vide. Nous regagnâmes notre Lager – école. A midi nous entendions, au loin les chars venant de GREDING (colline voisine), en uniforme, je suis monté à leur encontre étant sorti par l’une des portes de la cité, avec Roger DELACROIX. Les chars américains arrêtes sur les hauteurs se préparaient à bombarder la ville qu’ils croyaient occupée et aurait résisté. En anglais, je dis au commandant « Nous sommes prisonniers Français. Je déclare Berching ville ouverte » (Open Town) « Il n’y a aucun soldat, aucune arme ». Un avion de reconnaissance survola pour confirmer. Les chars descendirent vers la ville, la contournèrent et poursuivirent dans la direction que j’indiquai. A 15 heures l’infanterie américaine entra dans la ville, y fit une halte, sortit par l’autre porte et continua…

-        Le jeudi 26 avril 1945. Le Lieutenant SANTERRE officier français et de liaison prend contact avec moi au Lager (école) convoqua le maire Fritz WILL et déclare « Je nomme Commandant de Place le Sous Lieutenant MATON. Vous êtes sous ses ordres. Il assurera le logement et la nourriture des 150 français et 120 Polonais, Ukrainien qui seront rassemblés dans la ville ». J’ai signé des bons de réquisition chez les boulangers, bouchers, qui seront payés ultérieurement. Les français quittèrent BERCHING le 18 mai. Les autres polonais, ukrainiens partirent le 20 mai. Etant chargé de mission, j’y restai avec trois camarades.

-        Le samedi 26 mai 1945, étant trilingue, je remettais mes pouvoirs au « Military governement » de BEILNGRIES qui me délivra les certificats de « Mission remplie avec félicitation ». Pour quelques temps avec le capitaine HEIDKAMP et ses lieutenants je m’installai dans la villa qu’habitait adis le directeur de l’usine

-        Du 24 avril au 18 mai tout fut calme, sans destruction, ni pillage, ni représailles que je n’aurais pas toléré, envers une population qui fut toujours compréhensive et humaine.

Epilogue En 1950, voulant un geste de réconciliation, mon ami Herr Doktor SCHAUWECKER organisa avec moi un séjour gratuit d’une semaine pour 100 français de mon amicale : 55 PG+ 35 femmes+10 jeunes. Le gouvernement bavarois vota un crédit de 1 million de DM. La Croix Rouge Bavaroise versa le complément              

Texte rédigé en juillet 1989 pour les archives de la ville de Berching qui ignorait jusqu’alors pourquoi elle avait été « sauvée » de la destruction